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Parler d’amour dans le travail social

Et si nous parlions d’ amour…

Ouille, où va-t-il avec cette question ?

La clinique éducative s’élaborait-elle sans cet ingrédient ?                                                          Ne pas en parler, évacuerait la question, le problème, les craintes, les raccourcis… et on se souvient des « risques du métier » ! Ça existe, à notre insu, à notre déni, à notre méconnaissance[1] ?                                                                                                                         Bref, que se passe-t-il si on l’évite ?

Nous travaillons avec des enfants, des jeunes en construction en demande. L’amour fait partie des besoins fondamentaux qui participent à la construction psychique. Et donc, probablement hors de leur conscience, ou pas, il nous en font la demande, implicite, cachée, secrète. Peut-être même en « réclamant » ce dont ils ont besoin, tout en édifiant des remparts de protection contre toute tentative que nous aurions de l’aimer. N’est-ce pas le PPCD[2] des jeunes dits « caractériels », abandonniques, souffrant de troubles de l’attachement que de renoncer à ce qu’ils ont besoin et ainsi confirmer la « décision[3] » précoce, inconsciente qui fut l’accommodement à la rencontre avec les premières personnes en charge de leurs soins. Ils confirment ainsi leurs croyances sur eux-mêmes et sur le monde.

La bonne distance ! L’une des premières oppositions à reconnaitre l’amour comme composant de la relation que nous établissons avec ces enfants ! (Ou ces adultes, atteints d’handicap mental, toujours en quête de reconnaissance, d’amour…)

Un professionnel ne s’attache pas ! Autre « croyance » des milieux professionnels qui se protègent. De qui, de quoi ? On sait pas. Un consensus mou, un compromis vient au secours des professionnels convaincus que l’éducateur, coupé de la pensée, est incapable de gérer les questions du transfert. Ce monstre du Lockness qui nécessiterait un diplôme universitaire, une formation académique pour échapper aux pièges qu’il contient. Mais oui, bien sur, l’éducateur, comme tout professionnel de la relation d’aide, doit être « équipé » pour recevoir la tiercité indispensable qui permet que cette relation inhérente à la profession, ne sombre dans les méandres affectifs qui le noyeraient avec l’enfant. Et c’est là, c’est bien là que se construit l’ « art de la clinique éducative ». Il ne s’agirait donc pas d’une maitrise des affects de chacun, mais du potentiel du service de faire le meilleur et l’indispensable usage de la saine « confrontation[4] » . Elle balise, elle contient, là, se construit la force thérapeutique de l’institution soucieuse d’élever ces membres de l’action éducative à la clinique éducative.

L’amour que nous évoquons plus haut existe, bien malgré nous. « Contenu » par la thérapie institutionnelle, il est essentiel, constitutif de la relation d’aide que viennent chercher familles et jeunes de nos services.

 

[1]Processus actif et non-conscient de non connaissance.

[2] Petit rappel de nos connaissances en mathématique.

[3] Au sens de la construction scénarique en AT

[4] Ce cadeau que fait l’équipier, l’institution pour voir de moi ce que je ne peux voir de moi.

 

 

Leila Zaoui – Le désamour

Clic ==>Le Désamour – De la maltraitance à la résilience – Michalon

Un récit tres émouvant, un témoignage personnel, un voile levé sur les retenues, les pudeurs, des résignations de cette quête désespérante de se faire aimer par ses parents quand ceux-ci ne peuvent pas, quand ils vomissent leurs enfants.                                     C’est à peine compréhensible, mais c’est bien de cette force résiliente que témoigne délicatement Leila Zaoui.                                                                                                                   En filigrane, les sacrifices que s’imposent ces enfants, en recherche d’accommodements, quand ils sont nés de parents qui régurgitent l’amour et que les enfants apprivoisent souffrances et indignités quotidiennement.

Leila s’en sort, ses intuitions d’enfant l’ont guidée vers des tuteurs de résiliences, ces personnes qui à leurs insus, deviennent appui quand l’enfant est à deux doigts de toucher le fond.                                                                                                                         Devenue éducatrice spécialisée Leila en appelle à tous pour que nous regardions les enfants avec nos yeux, nos oreilles et notre coeur…et surtout, pour que nous sortions de nos réserves, de nos frilosités consensuelles qui anesthésient le devoir de parler pour protéger les enfants. Aujourd hui elle consacre sa vie aux familles soumises à des violences, elle s’équipe pour professionaliser ses compétences d’empathie que lui confère son expérience.

Luc Fouarge

 

SOS Petits Princes – Valenciennes –

clic ==> Rencontres mensuelles parents/pro     Ce lien vous propose une approche de rencontres mensuelles entre des familles d’enfants placés avec des professionnels de la Protection de l’Enfance à l’Association SOS PP. Depuis bientôt 10 ans, ces rencontres entrent dans un processus de co-formation. Experts du vécus, les familles participent à la formation des professionnels. Se processus agit puissamment   sur les modifications des représentations des uns et des autres, soutient le pouvoir d’agir des familles, et permet la rencontre TS/Famille. Ce groupe est co-animé par Leila Zaoui et Luc Fouarge.

 

 

À la rencontre des personnes les plus fragilisées »

Veronique Olmi – Bord de mer – Acte Sud – 2003

Une jeune mère monte dans le dernier car (pour ne pas être vue), pour la mer, en hiver, avec ses de 2 garçons. Elle a quelques sous en poche, ce qui lui reste et une petite boite en fer avec des pièces de petites monnaie. Sous la pluie, elle débarque dans un hôtel miteux froid et humide. Le lendemain matin, sous la pluie encore, elle fait découvrir la mer, méchante à ses fils.

En utilisant les pièces ils peuvent s’offrir 1 chocolat chaud et un café. Ils mangeront un paquet de biscuit et avaleront une bouteille d’eau. Le soir, ils se rendent à la fête foraine, dans la boue, vêtements mouillés, les derniers centimes y passent. De retour à l’hôtel, elle laisse ses fils s’endormir puis les étouffe…. Quand elle constate qu’il sont morts … « j’ai hurlé ».

Cette histoire est terrifiante. La mère est anxieuse. L’anxiété pénètre le lecteur comme l’humidité permanente qui saisit les personnages. Nous savons dès les premières lignes que Stan, 9 ans, se trouve en position de soignant de sa mère. Très tôt aussi nous pouvons déduire qu’une AS suit la famille, que la mère est suivie par un dispensaire, psychiâtrie de secteur, également prescripteur.

Le psychiâtre essaie de gratter la terre de mes souvenirs, pas un ne remonte, ni en bien ni en mal, rien.

Le roman évoque des épisodes de perte de contact avec la réalité, moment que guette Stan l’ainé qui la protège, ainsi que Kevin 5 ans.

Dès l’entrée dans le car on sait que Stan est inquièt, demain il a école… Qui va prevenir Maie-Hélène, son professeur ? Il n’ a pas le choix, même s’il pressent que sa mère l’entraine dans un acte de folie. Il accomplit sa mission.

Du service social, nous ne savons que la représentation que la mère en a.

L’AS représente une source de pression terrible et culpabilisante. Situation que connaissent nos travailleurs sociaux de l’Aide à la Jeunesse et des SSM. Le récit nous renseigne donc sur le fait que la professionnelle n’a pu franchir cette représentation, et donc qu’elle en aurait , conscience ou qu’elle est engluée dans un transfert qui n’évolue pas ou que peut être encore, comme nous le savons par ces nombreux usagers, l’AS s’illusionne sur le fait qu’elle a la confiance de sa cliente.

Le texte ne dit pas, nous non plus, que la précarité est la cause des troubles de cette femme. Mais manifestement ce manque de disponibilités financières pèse considérablement dans la charge anxieuse que vit la narratrice.

Un confort financier aurait-il permis de sortir la famille de son isolement en lui proposant des liens  ?

Ce qui aurait partiellement dégagé Stan de sa tâche dont le poids se fait sentir à l’école par des comportements d’isolement qui méritent d’être questionnés.

La mère arrive souvent en retard pour reprendre Kévin qui l’attend en pleurant à la grille de l’école. Elle se dit chargée de honte. « Toujours il a peur, pas pour lui, pour moi ».

Le récit ne nous dit rien des dispositions prises entre service social du dispensaire et l’école, pour ménager ces instants de souffrance.

L’aide apportée envisage-t-elle la personne ? Des inquiètudes et ressentiments exprimés il se pourrait qu’elle n’ait pas senti cette posture professionnelle particulière qui amène la personne à sentir : « tu es quelqu’un et tu me fais sentir que je suis quelqu’un ».

Il se peut que certains bénéficiaires de nos services ne se laissent pas atteindre par nous comme il se peut que nous soyons en difficultés pour être quelqu’un pour l’autre ? Ce qui questionne l’exercice de la tiércité à l’interne de nos services.

Notre narratrice est entrée dans un de ces services, le récit ne nous dit pas pourquoi, mais les personnes en grande précarité à laquelle s’ajoute une souffrance psychique y arrivent-elles ? Les procédures de travail soutiennent-elles ces rencontres ? Ne faut-il pas davantage de travail communautaire pour que les acteurs psyco-médico-sociaux fassent ce plus de chemin vers l’autre que ce dernier ne peut faire lui-même ?

Voilà qui interroge le projet de société dans l’éthique de la responsabilité, dans l’efficacité du plus de chemin que pourrait être amené à faire le soignant pour aller vers la personne qui souffre. Mais alors, comme on l’entend dire dans les cercles de professionnels, perdrait-on en efficacité ? Anéantirions-nous la responsabilité des personnes ?

Ce roman ne dit rien de l’histoire de la précarité de cette famille et donc encore moins de la compréhension de l’accroissement de cette précarité chez nous. Nous pouvons quand même échanger sur la place d’observateur particulier qu’occuppent les acteurs de santé mentale, qu’il est nécessaire que nous entrions en résistance vis à vis de conduites professionnelles dans lesquelles nous poussent les logiques gestionnaires. Luc Fouarge